Yo Arth!!
Voici le bon texte le dernier qui a été validé.
Peux-tu faire le changement sur le site??
Merci!!
Il règne une chaleur de forge.
L’atmosphère est collante, saturée par une acre odeur d’huile brulée.
Calés dans des sièges inconfortables, nous sommes abrutis par le bruit du moteur.
Les caisses de matériel, mal arrimées, glissent à chaque virage et viennent taper contre les ridelles sur le toit.
La poussière et le sable, omniprésents, rendent la respiration difficile.
Nous sommes huit, dix avec le commandant et le chauffeur du fourgon.
Flash, noir, flash, noir…
Le soleil, passe par les lucarnes en haut de l’habitacle, il m’éblouit par intermittences au rythme des cahots de la route.
Flash.
Le sergent Rhyrann me flanque une tape amicale sur l’épaule.
Je ne sais pas si je retrouverai un jour l’usage de mon bras gauche.
-T’inquiète pas p’tit gars tout va bien se passer.
Cela fait maintenant plus de quinze ans qu'il roule sa bosse au sein des forces d'interventions.
C’est un colosse, un être tout en muscles, taillé dans la roche.
Aujourd’hui, pour ma première mission, je suis son équipier.
J’ai bien compris qu’il veut avoir un œil sur moi continuellement.
-Et pourquoi ça devrait bien se passer? lance Tom Milton. Il faudra bien qu’on y passe tous un jour ou l’autre.
-Tais-toi vielle baderne! T’es vraiment givré vieux crabe. Réplique le sergent.
Une question me tarabuste et je ne peux m'empêcher de demander:
-"Sergent, C'est quoi l'inscription sur son fusil?"
Avant que Rhyrann ne me réponde Tom se met à brailler de sa voix de fausset:
" Carola!!! C'est le nom de ma fille, je tiens à ce fusil plus qu'a ma foutue vie! C'est tout ce qui me reste...d'elle...."
Le sergent se penche vers moi :
- "Il est cintré, cinglé, azimuté ce vieux débris. Sa fille s’est barrée il y a vingt ans et depuis il est perpétuellement dépressif."
Il lève les yeux au ciel, hausse les épaules et me confirme:
-"Il a appelé son fusil Carola, comme sa fille, ce barjot. "
Noir.
Mes doigts sont si crispés sur mon arme que mes veines sont prêtes à éclater.
Ma mâchoire contractée témoigne à la fois de ma résolution et de mon angoisse.
Mon esprit se focalise sur cette mission, mon véritable engagement.
Je ne veux pas commettre d'impair, je ne veux pas décevoir...
Flash.
-Ne me dis pas que tu es encore en train de bâfrer, rigole Bart Dengler en montrant Roussa Hodge un sandwich à la main.
-Quoi ? J’ai un petit creux là, dit-il en désignant son estomac qui ressemble plus à un tonneau de bière qu’à un ventre.
J’avais remarqué dès les premiers jours cette montagne de chair avec son cou de taureau, quand il avait fallu faire de l’entrainement aux combats rapprochés.
J’avais vite abandonné l’idée de bouger ce géant qui me regardait, un grand sourire aux lèvres, en train de m’escrimer autour de son immense bedaine.
Un gentil géant en fait, toujours prêt à me renseigner sur n’importe quoi et surtout à finir mes repas quand je calle devant mon assiette.
-Tu sais qu’on fait déjà des uniformes sur mesure pour toi, alors si tu continues comme ça, les prochaines interventions tu les feras en caleçon ! Continue Dengler goguenard et sans pitié. Je suppose que c’est maman Hodge qui t’a préparé ton petit goûter.
Je vois Roussa se rembrunir, le sujet semble tendu.
Mais avant qu’il n’ait pu ouvrir la bouche, Gabie Pirotte intervient, hargneuse :
-Ferme là Dengler ! Est ce qu’il te fait des réflexions, quand toi tu t’asperges d’un litre de parfum, certains soirs, avant d’aller faire le bellâtre dans les quartiers chauds de Taoui, à la recherche d’une de tes éternelles pétasses oxygénées ?
-Ce genre de réflexion venant de toi me laisse complètement froid. Parce qu’en matière de pétasses, tu connais le sujet en profondeur, pas vrai?
Pirotte bondit sur ses pieds comme un chat, le poing armé prêt à faire éclater la pommette de Dengler quand Rhyrann bloque la furie :
-Oh les filles, on se calme et on garde son jus pour plus tard, croyez moi vous en aurez besoin !
Gabie se rassoit et lance un regard meurtrier à son détracteur.
Je me dis qu’il ne doit pas faire bon compter parmi ses ennemis.
Noir.
Notre mission est délicate, je dois rester concentré.
Le commandant Kaliel nous a fait un briefing complet sur la situation.
Nous avons repéré les lieux et répété plus de vingt fois la descente du fourgon et les différentes phases de déploiements, le contrôle des émeutes civiles, chaque action à été minutieusement préparée.
J’ai pour mission, avec mon coéquipier, de garder l’accès principal du puits.
C’est une mission de confiance et je n’ai pas le droit à l'erreur!!
Pendant ce temps le commandant sera en protection rapprochée du grand Echevin.
Les autres formeront avec les escouades restantes un cordon de sécurité autour du podium de l’inauguration.
Ensuite, face aux…
Flash.
-Prenez exemple sur Underhill, lance Rhyrann.
Il me désigne un jeune gars tout dégingandé dans son uniforme, affalé le long de la cloison qui mène à la cabine du pilote.
Il dort !
A quelques minutes d’une intervention en conditions réelles, il DORT !
Je n’en crois pas mes yeux, ma tension artérielle est prête à faire exploser chacune de mes veines et lui il est là à ronfler tranquillement sur son siège.
Le bruit infernal du fourgon, les cahots de la route, les éclats de voix ne semblent pas le concerner.
Ce type est un extra terrestre, un monstre de tranquillité, le stress il ne connait pas.
Noir.
…face aux slumies !
Ces rebelles malfaisants qui trainent dans le désert autour de Taoui en marge de notre société.
Le commandant Kaliel nous a prévenus: «si les slums interviennent en nombre, nous n'aurons plus d'alternative et devrons utiliser la force ». Mais nous souhaiterions tous éviter ça.
Kaliel est le plus jeune commandant que les forces de sécurité aient jamais connu.
Son sens du devoir et du travail en font quelqu'un d'aussi froid qu'inquiétant.
Durant les rares fois où nous avons discuté, j’ai toujours trouvé des réponses simples à mes doutes et appréhensions.
Son travail? C'est ce pourquoi Kaliel vit.
C’est une machine sans peur, ni sentiment, sans regret, ni empathie.
Sa force et sa témérité font de cet homme un donneur d'ordres sans faille.
J’espère avoir un jour la même force de caractère, la même carrière riche en aventures, en bref : c’est un modèle.
Flash.
-Eh ! Pamet, c’est quoi les statistiques aujourd’hui ? Demande Roussa Hodge
L’intéressé relève la tête de son ordinateur portable l’air interrogateur.
Il est toujours chaussé de fines lunettes rondes pleines de poussière qui lui donnent plus l’air d’un étudiant que d’un soldat.
-Depuis quand mes prévisions sont susceptibles de changer ton attitude, Hodge ?
-Depuis les trois dernières inaugurations où tes stats se sont révélées exactes, mon gars.
-Bien, alors je vais te dire ça dans quelques secondes.
Il se replonge dans son écran.
-C’est pas vrai, quel poseur tu fais! Ricane Dengler. Tout ça pour trois ou quatre pourcentages dont certains seront forcément justes. Tu ne vois pas que ce n’est que du bluff, un genre de madame Irma qui ne connaitrait même pas les constellations !
-Sache, espèce de béotien, que j’ai rentré toutes les variables de chaque intervention que nous avons faites jusque là et que mes chiffres se sont toujours révélés exacts. Aujourd’hui il ne me manque qu’une variable pour être certain de mes résultats.
-Ah ouais, une variable, le bémol exact où se trouve le ronflement d’Underhill, le niveau de schizophrénie de Milton ou la surcharge pondérale de Hodge, se moque Dengler.
-Non, tout ça est déjà pris en compte. La seule variable qui me manque c’est lui!
C’est à ce moment que Daebrynn Pamet me désigne du doigt.
Son regard froid et dénué de tout sentiment se pose sur moi.
Je suis le petit nouveau et j’ai l’impression d’être moins considéré qu’un microbe.
-Laisse le tranquille, il sera toujours avec moi, rappelle le sergent, il ne me quittera pas d’une semelle.
-J’espère pour lui! Rajoute Pamet méchamment.
Kaliel entre dans le compartiment:
« Réveil Underhill ! » il met un grand coup de pied dans les bottes de l’intéressé.
« Messieurs, nous sommes à vingt minutes du puits N°12.
Rappelez vous: notre principale mission, garder l’intégrité physique du Grand Echevin, avec comme objectif secondaire la protection du puits.
Je ne veux pas d’improvisation !
Souvenez-vous de vos entraînements et des exercices en condition réelle et tout se passera bien ! »
Noir…
Le Fourgon, qui ferme le convoi, poursuit sa route au rythme des obstacles imposés par le grand désert de Jaria.
Les pensées de tous semblent dirigées vers le même objectif : l’inauguration du puits, et pourtant…
Bien protégée au milieu du cortège, la limousine du Grand Echevin héberge des occupants bien différents.
PARTIE N°2
-« Vous avez l’air soucieux Grand Echevin », remarque Amah.
-« En effet Amah, il faut dire que cette inauguration risque de mal tourner. La dernière manifestation, au puits N°11, a fait l’objet de violentes réactions de la part de certains opposants slumies. »
-« Certes, mais nous avons les Forces de Sécurité SetH2OCorp à nos cotés. La dernière fois, ils ont réussi à rétablir une situation qui semblait fort compromise! »
-« Oui, mais à quel prix! Mon image ainsi que celle de mon cabinet ont été ternies auprès de la ville basse. Je ne sais pas si le président Assar Otman se rend compte de mes difficultés !! »
-« Soyez en sûr, il est parfaitement conscient du service que vous lui rendez. Le président, tout comme vous, pense avant tout à l’avenir et au confort des habitants de Taoui. »
-« Je le souhaite, réplique le Grand Echevin énervé, parce que seule la personne présente au puits, c'est-à-dire moi, se trouve dans la ligne de mire de la population.»
Le lourd silence qui s’installe alors dans la limousine est presque palpable.
Christa Keller, la secrétaire, observe son attitude et remarque ses yeux qui semblent ne rien voir par delà la vitre de l’automobile.
Son regard est perdu, loin…
Christa sait que cette cérémonie est pour lui une véritable épreuve.
Si cela venait à mal tourner, les slumies de la basse ville risqueraient de ne plus vouloir le soutenir.
Elle est à ses cotés depuis bon nombre d’années, mais elle ne l’a jamais vu aussi fatigué, presqu’au bord de l’épuisement.
Le premier édile présente un teint gris, des traits tirés et son entourage sait qu’il ne s’alimente plus régulièrement.
Il reprend au bout de quelques minutes :
- Je sais qu’Assar a la même vision que moi du développement de la ville. Nous sommes de vieux compagnons de route, et même si nous ne nous entendons pas toujours sur tout, nous sommes arrivés à établir un statu quo précaire avec la corporation.
-Non, souligne Amah, nous avons fait de gros progrès en matière de diplomatie avec la SETH2OCORP. Les deux grands pouvoirs exécutifs de Taoui marchent aujourd’hui main dans la main, vous n’avez donc pas de véritable problème!
Kaj Karik soupire, excédé.
-Voyons, Amah! Mademoiselle Keller ici présente, qui n’est pourtant pas ma conseillère particulière, en saurait-elle plus que vous?
Il se tourne vers elle et l’invite à répondre.
-Mme Karik. Lâche t’elle d’une petite voix.
Amah, dont l'unique préoccupation concerne l'inauguration du puits, se renfrogne dans le fond de son fauteuil, vexé par la remarque désobligeante de son patron. Puis, comprenant son impair, change de comportement et se reprend :
-Oh… votre femme? Désolé Grand Echevin…
- Laissons cela Amah! Oui, bien entendu, ma femme…! D’ailleurs Christa, les résultats de ses analyses vous sont-ils parvenus?
-Non… Nous attendons encore.
-Ah, bien… Soyons patients…
-Vous devez garder espoir!
-Garder espoir ? A quoi bon ! Quoi qu’il en soit Miss Keller je vous remercie encore de vous occuper d’elle avec tant d’abnégation. Moi, je n’arrive même plus à lui parler… Je la vois s’enfoncer de jour en jour plus profondément dans ses ténèbres… Elle s’éloigne de moi lentement, inexorablement… Elle devient diffuse, floue… Comme une ombre lointaine… Si lointaine…
Christa acquiesce et baisse la tête. Elle se rappelle cette femme qui était si belle, lumineuse, dynamique ; et qui peu à peu est devenue acariâtre, méchante, parfois violente avec son entourage.
Elle a vu cet homme courageux se battre pour sa femme, sollicitant sans arrêt les médecins qui se perdent en conjecture sur le diagnostique à donner et les remèdes à apporter.
Avec le temps il a accepté la maladie, pour finir complètement désemparé devant son épouse.
Désormais, son malheur occupe la plupart de ses pensées et l’administration de Taoui en pâtit fortement.
L’inauguration d’un puits est un évènement capital dans la vie de la cité, pourtant son attention se détourne à nouveau, sa pensée s’envole…
Karik regarde sur sa droite à travers la vitre de la limousine.
Il ne voit que le désert vide et désolé.
Il pense à sa femme.
Le Grand Echevin vit un cauchemar quotidien, pris dans une toile gluante et poisseuse, incapable d’agir et de soulager les souffrances de sa compagne, incapable de prendre la moindre décision concernant cette mystérieuse maladie tant abhorrée…
Une larme glisse lentement le long de sa joue, son conseiller et sa secrétaire sont les témoins du désespoir permanent qui le taraude.
Ils détournent pudiquement les yeux de son visage décomposé par la tristesse, la douleur et l’angoisse.
Puis Kaj Karik émerge de ses pensées :
-Incidemment, je me suis rendu compte que ma femme avait pris des engagements auprès des plus démunis. Elle a tenté, de son coté, à sa façon modeste, mais néanmoins volontaire, d'améliorer leur sort. C’est surtout vers les orphelins que ses efforts se sont portés. Aujourd’hui, elle se fiche bien de toutes ces questions, alors que beaucoup de ces enfants ont retrouvé une famille d’accueil grâce à elle.
-Quand elle sera guérie, je suis certain qu’elle continuera à dispenser sa bonté autour de nous, dans notre belle cité. Mais c’est bien pour cela que vous vous êtes vous-même engagé, n’est ce pas?
-Oui Amah et je pense que c’est elle qui m’a poussé à poursuivre mon propre combat avec encore plus d’opiniâtreté. J’aimerais pouvoir m’investir plus complètement, malheureusement, les moyens qui sont à ma disposition sont insuffisants, voire indigents.
-Ne soyez pas trop préoccupé, Grand Echevin, les slumies de la basse ville savent pertinemment que vous faites votre possible pour changer leurs conditions de vie.
-Je n’en suis pas certain, Christa. Et pourtant, j’ai besoin de leur soutien inconditionnel pour amorcer des avancées qui amélioreraient leur situation. Des changements que personne n’a encore osé rêver, encore moins concevoir, depuis la fondation de Taoui.
-Comme par exemple? Questionne Amah. J’avoue que vous piquez très fortement ma curiosité. Que pourriez-vous faire de si extraordinaire, que nous n’avons jamais évoqué ensemble et qui pourrait modifier à ce point la vie de chaque Taouan?
-C’est vrai que ce sont des idées tellement révolutionnaires, que pour l’instant, j’ai toujours été réticent à révéler le moindre indice de mon projet à quiconque. Il faut dire que depuis un certain temps j’ai la vague, mais tenace impression, qu’une ombre plane sur chacun de mes mouvements. Mais comme je sais pouvoir m’appuyer sur vous, je vais donc vous dévoiler les perspectives que j’ai imaginées pour nos administrés. Eh bien, pour commencer, la plus importante de ces réformes fera évoluer la…
Soudain, la voix du chauffeur grésille dans le haut parleur:
- Il ne reste que cinq minutes avant le puits, Grand Echevin.
-Bien, préparons nous mes amis, cette inauguration doit se dérouler parfaitement.